Origines et mécanismes de l’endométriose sous la loupe de la Recherche
L’endométriose concerne 10 % à 20 % des femmes en âge de procréer. Elle se caractérise par la présence, en dehors de la cavité utérine, d’un tissu semblable à celui de la muqueuse de l’utérus.
Les mécanismes qui sont à l’œuvre dans le développement de ces lésions sont mal élucidés et la Recherche n’a pas encore tranché sur les raisons pour lesquelles la maladie se développe chez certaines femmes et pas chez d’autres. L’hypothèse dominante reste la menstruation rétrograde qui permettrait à du matériel endométrial de s’implanter dans la cavité péritonéale.
Mais ce phénomène est très fréquent et n’explique pas pourquoi seules certaines femmes seraient atteintes. Un dysfonctionnement du système immunitaire est très probablement en cause, mais là encore pas d’explication à ce jour. D’autres hypothèses sur les cellules souches sont également soulevées.
La Recherche a permis de mettre en évidence une origine génétique de la maladie dans 50 % des cas, en particulier des formes les plus graves. Les gènes impliqués sont nombreux et mal identifiés. Les facteurs environnementaux semblent également en cause, notamment les perturbateurs endocriniens, mais une recherche plus longue et à plus grande échelle sera nécessaire pour identifier lesquels et leur niveau d’implication.
Les raisons de suspecter une endométriose
Les symptômes les plus fréquents
L’endométriose se révèle classiquement par des douleurs de règles, dans la région abdomino-pelvienne, dues à un processus inflammatoire sous dépendance des œstrogènes. Mais les symptômes de la maladie sont souvent plus larges ; dyspareunies (douleurs pendant les rapports), troubles urinaires et digestifs, fatigue chronique, troubles de la fertilité. Concernant les troubles de la fertilité qui inquiètent très souvent les jeunes femmes diagnostiquées, il faut garder en mémoire que plus de 60 % des femmes qui ont de l’endométriose n’auront aucun problème à avoir des enfants.
Les comorbidités de l’endométriose
Elle est par ailleurs souvent associée à d’autres pathologies comme la fibromyalgie, le syndrome de l’intestin irritable, les migraines, certaines maladies auto-immunes.
Des études récentes montrent que l’endométriose est également associée à une augmentation du risque de maladies cardiovasculaires. Là encore, la Recherche n’a pas élucidé les raisons de ce risque associé. Des mesures de prévention de ces risques devraient être mises en place dans le cadre du suivi des malades.
Le diagnostic, essentiel pour la prise en charge
L’impact de cette maladie sur la vie sociale, familiale et professionnelle des femmes concernées est important. L’endométriose doit donc faire l’objet d’un diagnostic précoce, d’une prise en charge adaptée et d’un suivi faisant intervenir différents professionnels de santé.
Malheureusement les dernières études épidémiologiques montrent que le retard de diagnostic est en moyenne de 10 ans, alors même que la maladie est très souvent corrélée à l’apparition de règles précocement.
Le diagnostic reste encore trop souvent fait lors d’un bilan fertilité. Or il est important de détecter la maladie le plus tôt possible afin de prendre en charge la douleur et également bloquer son évolution pour éviter son aggravation.
Il n’existe pas de traitement curatif de l’endométriose, mais la solution thérapeutique la plus efficace est un traitement hormonal pour conduire à une aménorrhée et éviter que le cycle hormonal ne stimule le développement des lésions.
La chirurgie n’intervient qu’en tout dernier recours et ne doit concerner qu’une minorité de femmes.
L’approche thérapeutique doit être pluridisciplinaire et adaptée à chaque patiente
Mais la prise en charge de l’endométriose ne doit pas s’arrêter aux seuls aspects médicaux et chirurgicaux, elle peut être complétée par d’autres approches thérapeutiques.
Par son effet antalgique et décontractant, l’acupuncture peut soulager les patientes, améliorer leur qualité de vie et diminuer le recours aux médicaments antalgiques. Le yoga permet de travailler des postures relaxantes et des exercices respiratoires qui peuvent décontracter l’utérus. Par ailleurs, les thérapies comportementales et cognitives ou les techniques de méditation en pleine conscience peuvent aider les patientes à mieux vivre avec la maladie. Cependant, l’efficacité réelle de ces thérapeutiques complémentaires doit encore être évaluée et confirmée par des études cliniques rigoureuses.
L’endométriose ne contre-indique aucun sport, cependant la pratique d’activités physiques telles que la natation ou la marche, plutôt moins traumatisantes que les sports de contact, permettront d’assouplir en douceur le bassin.
Enfin, il conviendra d’adopter une alimentation équilibrée et pauvre en nutriments pro-inflammatoires, riche en fruits et légumes, en vitamine D, et en oméga-3.
Dans toutes les situations, l’approche thérapeutique de l’endométriose doit ainsi être pluridisciplinaire et adaptée au cas de chaque patiente, tout au long de son parcours de soins.
Afin que les patientes soient actrices de leur parcours de soins, comprennent la maladie et évaluent ce qui leur convient le mieux, elles peuvent suivre des ateliers d’Éducation Thérapeutique Patients (ETP) extrêmement efficaces pour améliorer l’efficacité de leur prise en charge.
Compte tenu de la complexité de la maladie et de la diversité de son expression parmi les malades (on dit souvent qu’il y a autant d’endométrioses que de femmes atteintes), le parcours de soins doit être soigneusement adapté à chaque cas.
Il est essentiel que les professionnels de santé consultés par les femmes qui expriment des symptômes évocateurs d’une endométriose ou déjà diagnostiquées, les interrogent et les écoutent soigneusement pour définir la meilleure approche thérapeutique.
Création de la Fondation pour accélérer la Recherche
Quasi-absence de financements public et privé dédiés à la maladie
Comme on le voit, la Recherche est loin d’avoir élucidé cette maladie, dont on retrouve pourtant des traces dans des textes datant de plusieurs milliers d’années et qui a été caractérisée en 1860 par un médecin autrichien, Karel Rokitansky.
Si l’on peut expliquer ce retard dans les progrès de la recherche par des causes sociologiques de non prise en compte de la douleur des femmes ainsi que par la complexité de la pathologie, il n’en reste pas moins que la quasi-absence de financement attribué à la recherche sur la maladie n’a pas aidé à faire avancer la science.
La fondation, la concrétisation d’un rêve de patientes
C’est à partir de ce constat que l’association de patientes ENDOmind a d’abord lancé une grande course caritative annuelle, l’EndoRun, pour financer des premiers projets de recherche. Valérie Desplanches, engagée dans le bureau d’Endomind, est sollicitée pour réfléchir à la création d’une organisation entièrement dédiée au financement de la Recherche pour que la maladie ne soit plus incurable. En novembre 2020, le succès de l’Endorun est tel que la Fondation Recherche Endométriose (FRE) est créée en janvier 2021, sous l’égide de la Fondation pour la Recherche Médicale.
La FRE est la première organisation en France et en Europe exclusivement dédiée au soutien de la Recherche sur l’endométriose.
Les missions principales de la Fondation Recherche Endométriose
La mission de la FRE est d’accélérer la Recherche sur l’endométriose en France. Son objectif principal est avant tout de financer des projets de recherche destinés à comprendre la maladie et à découvrir des traitements pour les malades.
Ce financement se fait à travers des appels à projets annuels. Depuis sa création, la FRE a lancé deux appels à projets et soutient aujourd’hui 5 projets pour un montant de 160 000 €. Les critères d’évaluation des projets candidats sont des critères classiques de qualité scientifique des dossiers et des équipes en charge sur la base de leurs publications, mais également des critères d’innovation et d’impact pour les malades.
La maladie est encore méconnue et mal comprise par tous les publics. La FRE a donc également pour objectif de fournir une information médicale et scientifique de qualité à destination du grand public, des professionnels de santé et des chercheurs, à travers un contenu pédagogique sur son site internet, la réalisation de webinars et de conférences.
Par exemple, en 2022, un webinar a été conçu à destination des professionnels de santé de premier recours pour les aider à orienter une patiente présentant les symptômes d’une endométriose (cf. chaîne YouTube). En 2023, deux événements en live et replay sont prévus à destination des patientes sur le diagnostic et l’hypofertilité.
Une fondation scientifique par et pour les patientes
La FRE remplit sa mission grâce à une gouvernance multiple :
- un Comité Exécutif riche en expériences diverses, professionnels de santé, chercheurs, patiente experte, entrepreneurs, qui décide de la stratégie de la FRE.
- un Comité Scientifique international, réunissant les plus grands experts de l’endométriose dans le monde, qui examine et sélectionne les projets lors des appels à projets.
- un Comité Consultatif patientes et aidants, afin que les chercheurs soutenus puissent intégrer les besoins et contraintes des malades dans leurs protocoles de recherche.
Apporter un soutien multiforme aux jeunes chercheurs
En 2023 la FRE lancera un 3e appel à projets, avec une augmentation du financement des projets de recherche, à hauteur de 340 000 €.
La FRE soutiendra tout particulièrement de jeunes chercheurs. Il est en effet essentiel d’augmenter le nombre de chercheurs qui travaillent sur l’endométriose en France. Pour cela, il faut certes les financer, mais également leur faciliter l’accès à des équipes de recherche de pointe et les former. Grâce aux experts internationaux de son Comité Scientifique, la FRE offrira un soutien méthodologique pour une recherche d’excellence.
Les 5 projets de recherche soutenus par la FRE depuis sa création en 2021
La mesure de la contractilité utérine pour une meilleure compréhension de l’endométriose : Le projet HYPERU de Nicolas Chevalier
Les contractions utérines qui ont le rôle de favoriser le transport du sperme vers le site d’ovulation, mais aussi d’évacuer le tissu endométrial lors des règles. Mais dans l’endométriose, il y a une hypercontractilité utérine et une propagation inappropriée des ondes contractiles qui semblent associées aux douleurs d’endométriose.
On ne sait cependant pas si cela est dû à l’épaisseur, à l’orientation, au rythme contractile des couches musculaires, ou bien à d’autres facteurs hormonaux ou chimiques. L’histologie, c’est-à-dire la composition et l’organisation des composants du muscle utérin sera étudié afin de détecter de potentielles anomalies.
La relance du système immunitaire contre les lésions d’endométriose : Le projet IREMEL de Julie Tabiasco
L’étude du système immunitaire lors de l’endométriose a montré que le fonctionnement de certaines cellules de ce système semble altéré, permettant ainsi l’installation et l’extension de la maladie. Dans ce contexte, il a été identifié une enzyme qui agit sur le micro-environnement endométrial et pourrait ainsi augmenter la défense immunitaire contre les lésions d’endométriose.
Le projet IREMEL consiste à étudier sur un modèle animal (chez la souris) reproduisant l’endométriose humaine, l’impact de l’inhibition de l’activité de cette enzyme sur le micro-environnement endométrial au niveau cellulaire et moléculaire. Les facteurs favorisant cette inhibition pourront être identifiés, pour ouvrir la voie vers des traitements visant à rétablir une réponse immunitaire satisfaisante contre l’endométriose afin de limiter ou d’éliminer les lésions.
L’influence de certaines hormones sur l’origine de la maladie : le projet ENDoHAD d’Alexandra Alvergne
Il sera comparé chez des patientes avec ou sans endométriose, la concentration sanguine de l’ocytocine et de la testostérone, et leurs corrélations avec les douleurs d’endométriose et les mesures anatomiques anogénitales. L’étude ENDoHAD promet ainsi une meilleure compréhension de l’endométriose, des facteurs de risque, avec peut-être à la clé, de nouvelles perspectives thérapeutiques.
Identification de biomarqueurs dans le fluide menstruel : le projet EndoMens d’Axelle Brulport
L’objectif de ce projet est de caractériser les populations cellulaires endométriales contenues dans le fluide menstruel de patientes atteintes d’endométriose et de donneuses saines, afin d’identifier des biomarqueurs potentiels de l’endométriose pour proposer un diagnostic non invasif de la maladie.
Améliorer la prise en charge de la dysménorrhée sévère chez les adolescentes : le projet DeMeTer du Dr Agnès Suc du CHU Toulouse
Les adolescentes souffrant de dysménorrhées sévères sont également confrontées à des défis spécifiques à leur âge, avec notamment un impact sur leur confiance en soi, leur estime de soi et leurs relations.
Des entretiens de groupe seront réalisés afin de mieux comprendre l’expérience des adolescentes et de leurs parents qui consultent les services de pédiatrie pour des dysménorrhées sévères.
Cela permettra par la suite de proposer des outils spécifiques d’évaluation et une organisation des soins pour accompagner les adolescentes souffrant de dysménorrhée sévère.
Pour accélérer la Recherche sur l’endométriose et apporter des réponses à des questions encore trop nombreuses, la Fondation Recherche Endométriose continuera à mener des projets ambitieux, qui mettront toujours les patientes au cœur de leurs actions.
L’auteure en quelques mots
Valérie Desplanches, Cofondatrice et Présidente de la Fondation Recherche Endométriose
vdesplanches@fondation-endometriose.org
« Tout au long de ma carrière, j’ai été passionnée par la recherche pour la santé et par la place que les femmes devaient prendre dans l’entreprise et dans la société. J’ai œuvré pour faire avancer ces causes. Aujourd’hui avec la FRE, ces deux causes qui me tiennent tant à cœur, se rejoignent en une seule et je mettrai toute mon énergie pour que la fondation grandisse et devienne l’étincelle, le catalyseur qui contribuera à changer la recherche sur l’endométriose en France ».
Après une formation en biologie à Paris VI, un DEA en sciences alimentaires et en nutrition et l’obtention d’un diplôme d’ingénieur en agroalimentaire, Valérie a exercé pendant plus de 30 ans des responsabilités en Recherche et Développement dans des groupes agroalimentaires internationaux.
Elle a dirigé des équipes de R&D d’innovation produits et de recherche en nutrition et bénéfices santé. Valérie a notamment dirigé des programmes d’innovation en alimentation infantile et en santé de la femme chez Danone Nutricia aux Pays-Bas. Alors qu’elle était Directrice Générale R&D et Qualité du groupe Danone en Afrique, elle a en particulier œuvré avec son équipe pour mettre en place des programmes scientifiques destinés à améliorer la nutrition et la santé des femmes et des jeunes enfants.
Cet article a été rédigé par Valérie DESPLANCHES, Présidente et cofondatrice de la Fondation pour la Recherche sur l'Endométriose Pour en savoir plus : www.fondation-endometriose.org |